Lettre #2

Transmettre le vivant

Tous les quinze jours, je consacre deux heures aux filles de mes amis, âgées de 8 et 11 ans qui font l'école à la maison.

En lisant Le Concept du Continuum de Jean Liedloff, j’ai réalisé que ce qui fait le plus de sens pour moi est de les accueillir dans un cadre qui reflète sincèrement qui je suis.

Leur besoin naturel est de m’observer dans un contexte où je suis active, et idéalement, où mes passions prennent vie.

Plutôt que de les rencontrer dans un univers purement enfantin, comme aller aux jeux d’eau, là où je finis par être accessoire et stérile, je les invite dans mon univers, là où je peux être pleinement moi, à mon meilleur.

C’est en étant alignée avec mon propre continuum que je peux réellement leur servir de modèle.

Récemment, après une matinée passée avec une grand-maman du village qui m’a montré comment utiliser un métier à tisser, j’ai ressenti le besoin de consacrer plus de temps à l’artisanat, à reconnecter avec mes mains qui oeuvrent.

Alors, j'ai conviées les filles à me rejoindre dans cet espace fertile.

Et c’est là que tout prend sens. Ce n’est pas simplement du temps partagé. C’est la transmission subtile du vivant.

ATTACHEMENT | Réflexion

Aujourd’hui, les enfants et leurs parents n’évoluent plus dans la même «culture».

Les enfants grandissent aujourd'hui dans des univers qui peuvent parfois nous sembler étrangers, comme Pokémon ou Minecraft. Bien qu’ils soient éloignés de nos intérêts ou de nos valeurs, ces mondes deviennent pour eux des repères culturels essentiels. Parfois même, des compétiteurs de notre lien d'attachement avec eux.

En tant que parents, choisir de courtiser ces «compétitions» peut devenir un acte de rébellion positif face à cette crise de sous-culture qui tend à éloigner les familles. 

En explorant ces univers avec eux, même en surface, nous transformons ces centres d’intérêt en ponts pour nourrir notre relation. 

C'est en montrant que leurs passions comptent à nos yeux que nous ancrons ce lien précieux, leur rappelant que notre monde est toujours ouvert et accueillant pour eux.

*J'envoie tout mon amour aux mères qui auraient aimé que leur enfant se déguise en champignon mais qui finisse avec un costume de Pikachu.

✧ Solution ✧

Pour préserver et renforcer ce lien, il est important de cultiver un équilibre entre nos univers respectifs.

→  Faire une place pour eux dans notre univers, en partageant nos propres passions et centres d'intérêt, en les rendant vivants et accessibles.

→ Explorer leur univers en cherchant à comprendre ce qui les anime. Utiliser leur univers à eux comme une opportunité de renforcer votre lien d'attachement. 

Ironiquement, c'est parfois en jouant avec Pikachu, plutôt qu'en le rejetant, que nous offrons le meilleur chemin pour transmettre nos valeurs. Car c'est en nourrissant le lien d'attachement que les enfants sont ouverts à notre héritage.

Quand j'étais petite, j'aimais bien quand mon père me partageait sa passion pour la musique et me faisait une place dans son univers. J'aurais juste aimé qu'il me pose plus de questions sur Sabrina l'apprentis sorcière. (True story)

JEU LIBRE | Réflexion

Mon temps passé avec ces deux jeunes filles n’est pas un «cours» d’artisanat.

Mon enthousiasme, notre lien d'attachement et leur mimétisme naturel est suffisant. 

Je m’installe simplement à la table avec un projet qui m’inspire. 

J’ai mis à disposition du matériel pour qu’elles puissent me suivre si elles en ressentent l’élan. Mais je ne les oblige jamais à me rejoindre.

Par exemple, alors que l'une des soeur a déjà terminé son projet de calepin, l'autre a passé la deuxième sessions à simplement observer le comportement des pigments d'aquarelle lorsqu'ils se diluaient dans l’eau. 

C'était ça, son jeu à elle. 

✧ Solution ✧

Nous avons besoin d’espaces où la curiosité et le rythme de chacun sont respectés sans pression d'accomplir quoique ce soit.

→ Laisser l’enfant s’émerveiller à son propre rythme.

→ Valoriser l’exploration, sans forcer un chemin tracé d’avance.

Lorsqu’on est contraint, il est facile de développer une aversion pour une activité. Cela peut même laisser des traces indélébiles, gâchant peut-être des découvertes qui auraient pu devenir des sources de joie profonde.

ÉMOTIONS | Réflexion

Les moments de détente en commun créent un terrain propice à l’expression émotionnelle

Lorsque nous partageons des espaces tranquilles et authentiques avec les enfants, comme ceux créés à travers l’artisanat, nous leur offrons un refuge où ils peuvent se sentir en sécurité.

Dans ces moments de calme, loin des pressions et attentes, il y a souvent de la place pour que les émotions surgissent naturellement. 

Loin d’être toujours planifiées, ces conversations peuvent devenir un terrain fertile pour la vulnérabilité.

✧ Solution ✧

Les espaces de détente partagés sont des invitations discrètes à l’ouverture émotionnelle.

→ Créer des moments où les enfants se sentent libres d’exprimer ce qu’ils ressentent, sans jugement ni pression.

→ Utiliser ces moments pour partager vos propres émotions à vos enfants tout en vous assurant d'en conserver l'entière responsabilité.

Ces moments aident les enfants à explorer et verbaliser leurs émotions, leur apprenant que l’échange avec un adulte de confiance peut devenir un espace où leurs sentiments trouvent écho et compréhension.

➳ J'ai réussi à faire un petit calepin à la main durant nos sessions d'artisanats. Mon chum n'a pas de cell et il prend ses notes dans un petit carnet, alors j'en ai profité pour lui faire un cadeau.

❋ Le monsieur était content. 

✑ Bref, l'idée c'est d'inviter les enfants dans votre univers en étant détendu et en évitant d'avoir trop d'attente. Mais aussi, d'avoir l'ouverture d'aller visiter leur univers intérieur et extérieur de temps à autre pour prendre soin du lien. 

C’est comme ça que l'on tisse doucement nos villages d’attachement modernes.